Mathieu Mortelmans. Le nom semble sortir de nulle part. Mais depuis quelque temps, l’observateur attentif du cinéma belge le voit apparaître de plus en plus souvent.
Notre homme a remporté plusieurs prix au Festival du Film Fantastique de Bruxelles, il a aussi décroché un trophée au Brussels Short Film Festival et son court métrage Chambre Double est à présent sélectionné pour de grandes manifestations internationales.
On a récemment appris qu’il serait présenté au très renommé festival de Palm Springs.
« Le film n’est prêt que depuis trois mois et son parcours est une vraie surprise, très agréable, pour moi. En premier lieu, mon ambition en tant que cinéaste est de réaliser un film le plus abouti possible que les spectateurs vont avoir du plaisir à regarder. Au début, vous ne pensez pas aux festivals et encore moins aux prix possibles. Mais une fois que cela démarre, vous en voulez naturellement encore plus.
La sélection pour le festival de Palm Springs est une marque de reconnaissance sur le sol américain. Vous espérez naturellement que votre travail sera vu par le plus de spectateurs possible. C’est pour cela qu’on fait des films. »
Autre élément particulièrement intéressant, car atypique, si son film est en français, le réalisateur est néerlandophone, il vient d’Anvers. Pour gagner sa vie, il travaille en tant que directeur de production indépendant pour la télévision et la publicité. Il œuvre actuellement sur un docu-fiction en huit parties qui sera programmé sur VTM.
[Au BIFF, Chambre Double a remporté le Prix jeune public, le prix de la Sabam et le Mélies d’argent]
Mathieu Mortelmans, né en 1985 à Anvers, a donc été élevé en Flandre, mais il a poursuivi ses études en Communauté française de Belgique. Il habite à Bruxelles depuis de nombreuses années.
« Je vis, travaille et pense dans les deux langues » a-t-il coutume de dire.
En 2009, il est diplômé de l’Institut des Arts de Diffusion (IAD) : pour lui, étudier le cinéma était une nécessité. Immerger les spectateurs dans l’obscurité pendant deux heures pour les emmener ailleurs, les faire réfléchir, les entraîner dans une histoire qu’il n’imaginait pas vivre quelques heures plus tôt est un plaisir ultime.
« Réussir en tant que cinéaste est quelque chose de très difficile », précise-t-il dans une interview accordée à la version flamande de Cinevox. « Cela exige de l’expérience, des compétences et du talent. Je ne peux qu’espérer que peu à peu, film après film, je parvienne à emmener de plus en plus de gens dans les expériences que je veux leur faire vivre. »
Chambre double qui commence à susciter un buzz intéressant se focalise sur un médecin qui arrive dans un petit hôtel. C’est la nuit. Nous sommes quelque part au centre d’une ville animée. À peine installé dans sa chambre, le réceptionniste vient lui demander son aide pour soigner une jeune femme qui a été tabassée. C’est le début d’une série d’évènements inexplicables qui vont l’impliquer dans un crime.
« L’idée est née lors de l’exécution d’une série de documentaires pour la télévision. Je ne peux pas vraiment en dire beaucoup plus sans révéler la fin du film. Disons que le personnage principal est aspiré dans une spirale psychologique, et qu’il perd peu à peu le sens de la réalité. »
Pour camper ses deux personnages principaux, Mathieu a eu la bonne idée de faire appel aux deux comédiens qui sont sans doute les incontestables stars du court métrage belge francophone: Jean-Jacques Rausin incarne le médecin et Éric Godon, le réceptionniste. Deux gueules, deux talents au service d’une histoire décalée. Voilà déjà beaucoup d’atouts dans une seule main.
» Un bon suspense implique une tension permanente dans l’histoire. Vous vous demandez toujours comment le personnage principal va «survivre» à la situation dans laquelle il se trouve. C’est un schéma qui fonctionne bien pour un court métrage. Pour Chambre double c’était une question de dosage. Que donnons-nous aux spectateurs? À quel moment? L’essentiel est de trouver l’équilibre! Il est important que le spectateur adhère du début à la fin. J’espère y être parvenu … »
Mais au-delà du film lui-même, de son intrigue, de son climat, ce qui retient d’emblée l’attention est le fait qu’un réalisateur bilingue certes, mais néerlandophone de naissance ait tourné son premier film en français alors que la Flandre dispose également d’un arsenal très efficace en matière de production de courts : » Comme j’ai effectué ma formation cinématographique en communauté française, j’ai construit un vaste réseau de contacts dans cette région. Pour Chambre Double, un film à petit budget, j’ai dû compter principalement sur mes contacts. C’est en partie pourquoi c’est devenu un film francophone. Je suis aussi un grand fan de l’œuvre de Jean-Jacques Rausin, l’acteur principal, qui ne parle que le français. Le dernier point qui m’intéressait est que le français, comme le néerlandais d’ailleurs, est une belle langue à écrire et à travailler …
Je pense qu’il y a énormément de talents en Belgique et que leur répartition ne dépend pas des différentes parties géographiques du pays et/ou de la langue qu’on y parle. Si vous êtes en Belgique sur le plateau d’un long métrage, vous remarquerez rapidement que tout le monde fonctionne parfaitement ensemble. Flamand, français ou anglais … l’important c’est la qualité des films que nous faisons ensemble. Et cette qualité nous la retrouvons dans toute la Belgique. Tout le monde aime regarder de bons films : la langue du pays n’y change rien ! »
Au-delà de son scénario, Chambre Double porte donc merveilleusement bien son titre.
En attendant le Dégel semble bien parti pour devenir Le Cri du Homard de 2013. Et si le film de Mathieu Mortelmans emboîtait le pas à Dood van een schaduw ?