Le Fidèle, polar d’amour

A la fois polar noir et mélo flamboyant, Le Fidèle défie les attentes pour prendre le temps de raconter l’amour absolu, entre possession et liberté. Le tout quand même sur fond de bolides rutilants et de gangsters stars. 

C’est hier soir qu’était dévoilé à Venise le très attendu troisième film de Michaël Roskam, Le Fidèle, où il retrouve son complice Matthias Schoenaerts, et se découvre une nouvelle égérie, Adèle Exarchopoulos.

L’histoire

Lorsque Gino rencontre Bénédicte, c’est la passion. Totale. Incandescente. Mais Gino a un secret. De ceux qui mettent votre vie et votre entourage en danger. Alors Gino et Bénédicte vont devoir se battre envers et contre tous, contre la raison et contre leurs propres failles pour pouvoir rester fidèles à leur amour. Gino est un séduisant gangster. Survivant d’une enfance difficile, entre un père abusif, un foyer hostile, et des conflits permanents avec l’autorité, Gino s’est recréé une famille avec ses camarades d’infortunes, placés comme lui en foyers ou en centre de rétention. Avec ces frères de larmes, il s’invente une vocation: ils braquent des banques. Pour l’argent, et pour l’adrénaline. Pour le gain, et pour se venger. Ils sont flamboyants, ces voyous, ils ont la vie facile, pleine de cash, d’alcool et de filles. Elle pourrait bien continuer comme ça cette vie… Si Gino ne croisait pas Bénédicte. Bénédicte est pilote automobile. Une belle fille, bien culottée, la soeur d’un pote. Mais surtout une fille qui comme Gino, vit pour et par l’adrénaline. Sauf que son adrénaline à elle est légale, elle la trouve sur les circuits. C’est l’amour au premier regard comme on dit, et Gigi et Bibi vont devoir lutter pour s’aimer, et faire face à une succession d’épreuves, prévisibles ou pas.

Un récit en mouvement

Après un prologue tout en tension qui revient sur l’enfance de Gino, et pose les fondamentaux de son caractère et de ses failles, le récit se développe en deux vastes mouvements, doublement chapitrés, ouvrant deux vaste partie chacune consacrée à l’un des deux héros. Le récit rebondit sur le présent de Gino, sa rencontre avec Bénédicte. L’histoire peut commencer, et s’attarder sur le « métier » de Gino. Comme tout bon braqueur, il a un « dernier » casse en vue, et on suit les préparatifs au fur et à mesure que l’amour des deux amants se déploie. Bénédicte elle se partage entre la course automobile et son emploi dans la société de son père; et surtout, elle s’emploie à entretenir leur amour, né dans le mensonge. Vient le temps des révélations, et des premiers drames. C’est alors que le film semble muer, embrassant un nouveau récit, emmenant les personnages loin des courses et du banditisme. Mais pour combien de temps? C’est le temps de Bénédicte. L’histoire devient son histoire, celle de son histoire d’amour. Difficile d’en parler sans dévoiler l’intrigue, et ainsi la puissante évolution du récit. Mais une chose est sûre: le film embarque le spectateur loin de sa zone de confort.

L’amour comme asservissement volontaire…

…Et liberté subie! L’amour absolu de Gino et Bénédicte, et leur situation particulière, pose ces lancinantes questions: aimer, est-ce être sous le joug de quelqu’un? Promettre la liberté? Entre la prison, l’illégalité, puis plus tard les différentes épreuves que le couple va devoir affronter, quel espace peuvent-ils se laisser mutuellement? Gino et Bénédicte recherchent l’enfermement amoureux, tout en en testant les limites. Une fois encore, Roskam a recours à une symbolique animale. Le chien dont Gino a viscéralement représente à la fois la sauvagerie, l’animalité par laquelle Gino craint d’être submergé, mais aussi la fidélité d’un animal qui accepte d’avoir un maître, tant qu’il entrevoit la possibilité de la liberté.

Un casting 5 étoiles

Dans le rôle de Gino, Schoenaerts bien sûr, comme une évidence. Le comédien accompagne Roskam depuis ses débuts, ils grandissent ensemble sur le grand écran. C’est Roskam qui a révélé au monde l’intensité, le magnétisme du comédien anversois, aujourd’hui réquisitionné aux quatre coins du globe (il sera bientôt le héros d’une série de David O’Russell, avec Robert de Niro et Julianne Moore, rien que ça). Face à lui, Adèle Exachorpoulos, inoubliable Adèle de La Vie d’Adèle prête sa morgue et sa fluidité à Bénédicte, coureuse automobile coriace et effrontée. Autour d’eux , un défilé de comédiens belges, flamands comme francophones, un mélange de têtes connues et de têtes trop peu vues sur grand écran. Jean-Benoît Ugeux prête ses traits souvent croisés dans des courts métrages si possible déjantés, et récemment dans le très beau Le Film de l’été. Thomas Coumans, vu récemment dans L’Outsider, interprète un ami de Gino, et frère de Bénédicte. L’incontournable Sam Louwyck, bientôt à l’affiche de Cargo, campe un taciturne Directeur de prison, Erik De Staercke joue le père de Bénédicte, Nabil Missoumi, découvert dans Welp, incarne l’autre pote de Gino. La distribution, très homogène, est indiscutablement l’un des forces du film, tout comme l’équipe artistique mise en place par Roskam, à commencer par son fidèle chef opérateur, Nicolas Karatsanis.

Le Fidèle, qui représente cette année la Belgique dans la course aux Oscars, sortira le 4 octobre prochain, dans la foulée de ses projections à Venise et Toronto. Rendez-vous très bientôt sur le site avec Michaël Roskam, Matthias Schoenaerts et Adèle Exarchopoulos!

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