L’idée mûrissait sans doute depuis longtemps dans l’esprit de Philippe Kauffmann, mais elle s’est avérée incontournable lorsqu’il assista l’an dernier à l’après-midi « Osez le Cinema belge » organisée par la Fédération Wallonie-Bruxelles dans le cadre du Festival International du Film Francophone de Namur.
L’idée? Créer une structure destinée à assurer la promotion de certains films belges dont les distributeurs manifesteraient un intérêt pour une démarche originale et volontariste.
Objectif : tout faire pour placer ces longs métrages en évidence sur l’échiquier des sorties belges.
Pourquoi l’idée est-elle devenue inéluctable ce jour-là, précisément? Tout simplement parce que les producteurs qui se succédaient sur scène afin de mettre en valeur leur nouveau film prêt à sortir manquaient de conviction et semblaient tous espérer qu’un petit miracle vienne à la rescousse de leur progéniture pour qu’ils cumulent plus de douze entrées.
Personne ne s’est risqué ensuite à tenter de faire changer Philippe Kauffmann d’avis. Cinevox, lui-même, n’était-il d’ailleurs pas né quelques mois plus tôt de ce même constat : qu’il est difficile de se faire une place au soleil dans le petit monde de l’exploitation cinématographique belge….
Licencié en droit de l’Université de Liège, Philippe Kauffmann n’ignore rien de l’ampleur de sa tâche. Il travaille dans le domaine des arts depuis une vingtaine d’années : au sein de l’ASBL Indigo d’abord (production et accompagnement de compagnies de théâtre et danse), pour les jeunesses musicales ensuite et l’ASBL court-circuit (rock) enfin.
Mais c’est en tant que directeur artistique des Halles de Schaerbeek qu’il accède vraiment à la renommée. On considère généralement qu’il fut celui grâce à qui le rock belge francophone arriva aux oreilles du grand public.
On peut donc lui faire confiance lorsqu’il décide d’appliquer la formule au cinéma qu’il connaît parfaitement : depuis 1999, il est le gérant de la société de production cinématographique La Parti, spécialisée dans l’animation et la fiction. Une des sociétés les plus dynamiques qui soient puisqu’on lui doit entre autres C’est arrivé près de chez vous, Panique au Village, Kill me Please ou Le Grand Tour.
Depuis 2003, Philippe est également conseiller artistique pour plusieurs festivals et institutions culturelles, principalement en France.
Fort de cette idée originale, il se mit donc en quête d’associés, de partenaires même. Il en dénicha deux, aptes à porter avec lui ce grand projet sur les fonds baptismaux
Licencié en Arts et Sciences de la Communication de l’Université de Liège, Joseph Rouschop crée Tarantula Belgique à la fin des années 90. Dès 2002, il produit Une part du ciel de Bénédicte Liénard sélectionné au Festival de Cannes (Un certain regard). Pas mal pour un début. Depuis, Tarantula a notamment mis sur les rails Nue propriété de Joachim Lafosse, en compétition à la Mostra de Venise en 2006, La Cantate de Tango de Diego Martinez présenté en compétition à Locarno en 2009, L’hiver dernier de John Shank projeté aux Venice Days en 2011, ou encore la série télévisée L’Empereur du Goût, en collaboration avec un producteur néerlandophone et les chaînes télévisées publiques belges.
Le troisième partenaire s’appelle Marco Calant. Il travaille dans la communication depuis les années 80. Comme directeur créatif chez Publicis ou dans d’autres agences, il a participé à diverses campagnes publicitaires et obtenu divers prix (Perrier, Larousse, Renault, Loterie Nationale, …).
En 2007, il a créé avec Madeleine Leclercq, une société de communication baptisée TramWay 21.
Le trio n’a plus qu’à trouver un nom pour sa structure promotionnelle. Ce sera… Cuistax !
UN CONSTAT, UNE DÉMARCHE
Lorsqu’ils débarquent dans les salles, la plupart de nos longs métrages souffrent d’un déficit de popularité. Leur problème principal est une absence de visibilité et donc d’attractivité par rapport aux blockbusters américains ou aux films français. La raison est simple : un film belge essentiellement conçu pour le marché intérieur n’a pas les moyens financiers de ses concurrents. Il faut donc faire preuve de beaucoup d’inventivité et de cœur à l’ouvrage pour compenser ce handicap.
Pour tenter de déchiffrer les raisons de la faible visibilité des films belges, Cuistax avance quelques éléments probants. Selon ses responsables, l’intérêt du public belge pour les films « art et essai » a diminué ces dernières années à cause d’un manque d’initiatives d’éducation à l’image. Mais l’étroitesse du parc de salles est un autre élément important. Comme l’inflation du nombre de sorties ou la concurrence du DVD et de la VOD. Et d’épingler enfin le manque d’ambition dans la promotion des films belges
C’est pour répondre essentiellement à cette dernière faiblesse que la société Cuistax s’est fixé comme but de revaloriser le 7e Art belge auprès de son public.
L’objectif premier de Cuistax est de répondre au manque de relation entre le producteur et le distributeur en mettant en place une communication créative, unique et personnalisée, autour de chaque film en préparation ou finition. L’idée est de développer un concept particulier pour chaque œuvre et de le décliner dans une communication cohérente, à tous les stades de la production et sur tous les supports envisagés.
Pas question, naturellement, de se limiter aux seuls films mis en chantier par La Parti ou Tarantula : Cuistax tentera d’apporter une solution concrète pour assurer une promotion des créations cinématographiques de tout producteur ou distributeur de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui souhaiterait bénéficier des services de la société. Tango Libre est un premier exemple probant puisque le long métrage de Fred Fonteyne qui sort le 7 novembre est une production Artemis.
Avant cela, la société avait consacré toute son énergie à attirer l’attention du public sur Mobile Home le premier long métrage de François Pirot. Oui, le camping-car équipé d’un mobilhomaton, qu’on a pu voir pendant tous les festivals musicaux en juillet et août, mais aussi au Festival de Locarno, c’est leur idée. Résultat : une dizaine de milliers de spectateurs se sont précipités dans les salles dès la sortie du film, fin août, soit deux fois plus qu’initialement prévu. En France, malgré une critique très très favorable et un casting national, le film a été un flop retentissant. Mais là, rien de spécifique n’avait été mis en place pour attirer les regards. CQFD?
UN CONTEXTE GLOBAL
L’initiative est bien sûr à mettre en parallèle avec le travail de Cinevox qui depuis un an et demi vise à améliorer l’image du cinéma belge et à favoriser sa visibilité globale. Il n’y a donc pas de conflit entre les deux entités qui au contraire, peuvent grâce à leur complémentarité booster encore un peu plus la notoriété des films d’ici.
Cuistax travaille contractuellement pour le distributeur, tandis que nous œuvrons de façon indépendante pour le film lui-même en mettant en exergue tout ce qui peut constituer un point d’accroche avec le public, relayant toutes les initiatives imaginées autour du long métrage lui-même. Celles de Cuistax, comprises, cela va de soi…
Osez le cinéma belge initié par fédération Wallonie-Bruxelles et les différentes lignes Crossmedia mises sur pied par la Région wallonne participent également à cette initiative globale de changement radical. Comme les Magritte du cinéma.
Pendant de longues années, on a délaissé en Belgique tout le versant promotionnel lié à la sortie d’un film. Que cet aspect primordial soit enfin pris en considération par des professionnels expérimentés ne peut qu’être une excellente nouvelle à moyen et long terme pour notre cinéma.
Et pour tous les artistes qui l’animent.