Marina : une bouleversante leçon de cinéma

Rocco est né en Italie en 1938. Il a vécu et grandi dans un agréable petit village, plutôt retiré du monde. Son existence dans les montagnes de Calabre n’a rien de très fastueuse, mais il y est heureux… jusqu’au jour où son père décide de partir. En quête d’un avenir meilleur pour sa famille. Sa destination? La Belgique, terre promise ! Salvatore compte y gagner beaucoup d’argent en peu de temps en travaillant dans les mines. Ensuite, il reviendra dans son pays natal. Mais comme la fortune vient moins vite que prévu, il demande à sa femme et à ses enfants de le rejoindre dans le Limbourg.

Du jour au lendemain, le jeune Rocco est un « immigré », un « macaroni » avec toutes les conséquences et la rancœur que cela implique. Heureusement, ce gamin très dégourdi a une passion : l’accordéon ! Et s’il compte bien devenir « quelqu’un », c’est uniquement en s’imposant comme un musicien respecté, un artiste.

Pour son père qui trime chaque jour jusqu’aux limites de ses forces dans les profondeurs noires de son nouveau pays, c’est un choix de carrière optimiste, difficile à accepter.

 

 

 

Comme vous le savez sans doute : Marina est une histoire vraie. Dans les grandes lignes.

Rocco existe. Il apparaît même dans le film : c’est lui qui vend l’accordéon à Matteo Simoni dans l’échoppe bruxelloise. En 2013, Rocco Granata reste un artiste très connu dans le monde entier grâce à son hit Marina qui fit le tour de la planète et continue d’être diffusé à intervalles réguliers. Les supporters du club de football de Genk le savent bien, eux qui entendent régulièrement la chanson pendant la mi-temps des matches que leurs favoris jouent à domicile.

Oui, aujourd’hui, Rocco (ci-dessous avec Matteo Simoni) est une fierté pour les locaux. Vous verrez avec ce film que ce ne fut pas toujours le cas.

 

 

Comme Soeur Sourire, Marina est donc un biopic romancé, une spécialité de Stijn Coninx (ci-dessous sur le plateau italien du film), réalisateur qui connut très jeune la gloire en étant sélectionné pour l’Oscar du meilleur film étranger en 1993 avec Daens. Il y fut battu par Regis Wargnier et Indochine. Mais, à 35 ans, pour son troisième long métrage c’est bien sûr un souvenir qui marque un homme. Vingt ans plus tard, le voilà de retour aux commandes d’un blockbuster potentiel qui pourrait charmer son public bien au-delà de nos frontières. Un vrai film belge, puisque produit par Eyeworks (Loft, De Zaak Alzheimer, Tot Altijd, Het Vonnis) et coproduit par les Films du Fleuve des frères Dardenne (L’Exercice de l’Etat, Looking for Eric…). L’alliance n’est pas innocente !

 

 

 

Situé dans le Limbourg, avec une brève incursion à Bruxelles (le tournage de cette scène a, en fait, eu lieu dans la région de Liège lors de notre passage, voir ICI), Marina raconte une histoire qui intéressera autant le spectateur wallon que flamand. La réalité qui y est dépeinte est en effet celle qu’a aussi vécue en Wallonie la première génération d’immigrés; des travailleurs méprisés par les locaux, incompris, isolés, mais heureusement solidaires.

Un des grands attraits du film est de montrer, pour la première fois dans un film de cette envergure, cette relation ambiguë entre Belges et Italiens qui débouche d’une façon hélas beaucoup plus large sur la confrontation permanente entre les autochtones et ceux qui rêvent de s’implanter quelque part pour y connaître une existence plus agréable. C’est le génie de cette histoire qui part d’un cas individuel (Rocco et sa famille) pour évoquer un thème plus général et soudain atteindre une portée universelle.

Un miracle? Pas vraiment. Plutôt le résultat d’une lente maturation.

 

 

Lorsque Stijn Coninx vint trouver Peter Bouckaert pour lui expliquer qu’il pensait réaliser un film sur Rocco Granata, la première question qui se présenta à l’esprit du pragmatique producteur fut : « qui va s’intéresser à ton histoire? » Puis, plus précisément : « comment vas-tu captiver le public? »

Commença alors un long travail de réflexion, puis une période d’écriture pendant laquelle Stijn Coninx collabora avec Rik D’Hiet, scénariste rompu aux séries télé.

La dernière phase, la mise en production du film, ne fut pas la plus simple. Mais, même avec un budget inférieur à l’attente, tout le monde décida de se lancer dans l’aventure.

 

En tout, six ans se seront écoulés entre le moment où le projet germa d’une rencontre entre Stijn et Rocco et la date du 6 novembre 2013 où le film sortira enfin dans les salles belges. Distribué par KFD, Marina a indiscutablement le potentiel d’un véritable blockbuster, mais notait Peter Bouckaert à Bruxelles lors des sneak previews organisées par Cinevox, « c’est un film beaucoup plus difficile à vendre que Het Vonnis dont le thème ne pouvait qu’intéresser massivement les spectateurs potentiels, bien au-delà des cercles de cinéphiles ».

 

 

Le salut de Marina réside en fait dans le bouche-à-oreille… qui sera forcément excellent : nous n’avons pas croisé à l’issue de nos avant-premières le moindre spectateur qui soit ne fût-ce que mitigé. Encore faut-il que la bonne parole se répande suffisamment vite pour assurer au film un parc de salles conséquent dès sa deuxième semaine.

Acteurs, scénariste, réalisateur et producteurs comptent bien sûr sur les chanceux qui ont pu découvrir ce petit bijou en avant-première pour être ses ambassadeurs.
Si le cœur vous en dit, ne vous gênez pas…

 

 

 (nous allons prochainement publier les réactions des spectateurs recueillies lors des avant-premières Cinevox. Six séquences qui devraient vous donner envie d’en voir plus…)

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