5mn avec Diana Elbaum

Diana Elbaum produit des films en Belgique et dans le monde entier depuis plus de 27 ans avec la société qu’elle a créée, Entre Chien et Loup. Elle vient de sortir Faut pas lui dire, le premier film de Solange Cicurel, avec Jenifer, Stéphanie Crayencour, Tania Garbarski et Camille Chamoux, dont on espère beaucoup, et de créer une structure de soutien innovante pour les réalisatrices belges.

 

 

 

Soutenir les femmes

Le Boost Camp est une idée née il y a quelques mois. J’ai 27 ans d’expérience dans la production, et quelques films de réalisatrices qui se profilent dans le futur proche, celui de Solange Cicurel bien sûr, Faut pas lui dire, mais aussi le prochain long de Delphine Lehericey par exemple. Pourquoi 50% des étudiants en école de cinéma sont des femmes, alors que 80% des premiers films sont réalisés par des hommes? Pourquoi le contenu des films est si excessivement masculin? Quelle réponse concrète peut-on offrir? Depuis cette fameuse année où le Festival de Cannes n’a sélectionné aucun film de femmes, je lis beaucoup de rapports et de statistiques sur le sujet, mais je ne vois aucune action en la matière. Les femmes mettent plus de temps à développer leurs films. On a épinglé deux phénomènes déterminants.

Pour commencer, les femmes ont tendance à être très (trop?) perfectionnistes, et ne veulent rien partager tant que ce n’est pas parfait. Or, le scénario n’est qu’une étape dans le développement d’un film, c’est encore le chantier. C’est le film lui-même qui doit être parfait, il faut donc leur donner confiance pour ouvrir aux autres leurs projets en friche. Par ailleurs, le schéma traditionnel de la famille fait que les femmes s’absentent souvent du marché pendant une dizaine d’années, et doivent redémarrer à zéro, ayant perdu tout leur réseau, et devant se battre à nouveau comme si c’était un premier film. Quand on regarde le cinéma belge des années 2000, en fiction, on trouve peu de réalisatrices derrière les chefs de file que sont Marion Hänsel et Chantal Akerman…

Le Boost Camp a pour objectif d’essayer d’accélérer le développement des films de femmes, de les accompagner pour retrouver ou renforcer leur réseau, et de les sortir de leur isolement pour travailler ensemble pendant une période d’un an. On a reçu une vingtaine de dossiers, et on va en sélectionner quatre. C’est la seule initiative du genre au monde, et à l’issue de cette année de travail, près de 2 millions de prix vont être décernés.

 

Olivia Droeshaut © DYOD

Copyright: Script East

 

Le choix de la comédie en Belgique

Solange Cicurel avait un autre sujet, plus grave, lié à sa carrière d’avocate. C’était une histoire assez lourde pour un premier film. Alors je lui ai suggéré de garder ce projet pour plus tard, et je lui ai dit: « Je vais te demander de faire l’un des choses les plus compliquées qui soit: une comédie chorale! » Le côté romantique est arrivé après. Et elle l’a fait. En plus c’est un genre qu’elle adore, et elle en suit les codes avec bonheur. Mine de rien, ça demande beaucoup d’intelligence d’arriver à suivre les codes du genre. Y arriver, et les accepter!

Le film parle de la génération des femmes de 40 ans, indépendantes, de ce que l’amitié féminine peut avoir de fun aussi. C’est le coeur des femmes en fait! Solange a un talent pour faire parler les femmes. Mais on n’a pas fait une comédie pour faire une comédie, mais bien parce que la qualité de la proposition était là. En tant que producteur, évidemment, on croit au potentiel public ce genre de comédies, mais il faut que toute la chaîne en prenne conscience et nous suive, des salles aux médias. Ce n’est pas parce qu’on fait un film belge qu’il doit forcément aller dans une salle d’art et essai, on voit bien avec Faut pas lui dire que c’est un film pour les grands complexes.

 

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2016/ 2017

En 2016, Entre Chien et Loup a sorti sa première série télé, Ennemi Public, un grand succès. On a décidé de s’investir dans la série, on en a en développement au sein de notre structure. On veut créer une sorte d’écosystème où nos talents puissent s’épanouir dans tous les supports, long, doc, télé, web, réalité virtuelle. On a coproduit un film israélien sélectionné à Un certain regard à Cannes en mai, Beyond the Mountain and Hills d’Eran Kolirin, l’un des films les plus radicaux qu’on ait produits, et évidemment, Elle, l’incroyable film d’un jeune réalisateur de 74 ans, Paul Verhoeven, qui fait une carrière magnifique, on attend avec impatience les Golden Globes. On a aussi coproduit King of the Belgians, le troisième film qu’on fait avec Peter Brosens et Jessica Woodworth, sélectionné à Venise.

On a aussi fait des changements structurels, en nous associant à une jeune société de production, Kwassa Films, afin de diversifier nos activités, et d’intégrer des jeunes talents à l’équipe.

On vient de terminer le tournage de The Happy Prince de Rupert Everett avec Colin Firth et Emily Watson. On produit le premier film en allemand de Sam Garbarski qui devrait être montré bientôt, et puis on va entrer en production avec le film d’animation consacré à Anne Frank de Ari Folman, qui développe d’ailleurs également son premier film de fiction en prises de vue réelle, une adaptation du best-seller américain Horse Boy de Rupert Isaacson, qui va être tourné en Mongolie. De quoi nous occuper pour les quelques mois qui viennent!

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