Des Magritte à perdre la raison

Qui aurait pu parier fin 2010 que nous serions là, aujourd’hui, à nous agiter, surexcités, en suivant la 3e cérémonie des Magritte? À cette époque, Cinevox, n’était encore qu’un vague projet dans les cartons de Brightfish. Et surtout, l’idée des Magritte du Cinéma, venait tout juste d’être présentée à la presse, plutôt sceptique.

 

Que de chemin parcouru pour la cérémonie! Et pour tout le cinéma belge, en général.

 

Dès la première édition, les organisateurs ont prouvé qu’ils savaient gérer un évènement de grande classe. L’an dernier, ils ont démontré que la fête avait sa raison d’être et le souffle pour braver les années. Cette troisième édition, déjà très commentée depuis l’annonce des nominations, devrait confirmer que le rendez-vous est désormais incontournable.

 

 

Pour cette édition 2013, les organisateurs ont donc fait appel à un nouveau maître de cérémonie, Fabrizio Rongione qui commence l’émission sur des chapeaux de roue avec un ton et un humour décapant qui met tout le monde dans sa poche. Mais c’est Yolande Moreau qui déclara ouverte la fête. Symbole de notre cinéma, chaleureuse, talentueuse, drôle et décalée, modeste, franche et taquine, elle est la présidente d’honneur idéale. Celle qui donne le ton et le tempo.

 

Mais le sel des Magritte, ce sont les récompenses. Et, cette année, dans de nombreuses catégories, le verdict est terriblement difficile à pronostiquer. Au fil de la soirée, les confirmations alternent avec les surprises, comme dans un très bon film à suspense.

 

Premier trophée attribué, celui du meilleur espoir féminin, remis par Thomas Doret qui plaisante avec son collègue du Gamin au Vélo, Fabrizio Rongione, lui aussi un enfant des Dardenne. C’est Anne-Pascale Clairembourg pour Mobile Home qui le décroche. Une surprise? Un indice pour le reste de la soirée? Peut-être…

 

 

Pour suivre, le Magritte du meilleur espoir masculin, annoncé par une Astrid Whettnall irrésistible. Sans grande surprise, il couronne l’intenable David Murgia, que tout le monde considère déjà comme un énorme acteur. David jouant au National Le Signal du Promeneur, c’est sa maman et la réalisatrice Amélie Van Elmbt qui reçoivent le trophée.

 

Le Magritte du meilleur scénario devrait réellement donner le ton de la soirée puisqu’il oppose les quatre ténors de la soirée. Et le titre revient à… Lucas Belvaux qui semble extrêmement ému. 38 témoins crée une petite surprise, même s’il est nommé dans la catégorie « meilleure adaptation » pour les Césars. On sent bien, par exemple, que Dead Man Talking est déjà out… Mais on ne sait pas encore qui va dominer les débats.

 

 

Pour la meilleure image, c’est Hichame Alaouie qui est récompensé pour l’Hiver Dernier. Décidément, si vous avez lu nos pronos, vous le constatez, on est totalement à la rue. On vous avait bien dit que ce serait serré et indécis.

 

Le Magritte du meilleur montage revient à… Sophie Vercruysse. À Perdre la Raison est de retour dans la course. La fidèle monteuse de Joachim Lafosse remporte ici un Magritte que beaucoup lui… destinaient.

 

Le Magritte d’honneur est remis cette année à Costa Gavras qui salue sur scène son machino préféré, Yves Van der Smissen, par ailleurs, compagnon de Yolande Moreau, mais aussi Astrid Whettnall qui vient de tourner avec lui. Quelle classe, quelle élégance, quelle humilité. De la part d’un géant. Standing ovation méritée pour ce maître et cet exemple.

 

Le Magritte du meilleur son revient sans grande surprise à Julie Brenta et Olivier Hespel pour L’Exercice de l’Etat qui avaient déjà raflé le César de la discipline en février dernier. Dans la foulée, le Magritte de la musique est attribué à la horde (ils sont cinq) qui a signé la bande-son de Mobile Home. Là, on est dans la continuité de l’an dernier (victoire des Géants) avec une musique folk, légère et ensorcelante.

 

Le meilleur acteur dans un second rôle? Deux chances sur quatre pour Dead Man Talking, la meilleure opportunité de succès de la soirée pour le film de Patrick Ridremont. Mais c’est Bouli Lanners qui rafle la récompense. La star de l’an dernier est couronnée pour De Rouille et d’Os.

 

 

L’intro du Magritte du meilleur costume nous vaut un démontage en règle de Hughes Dayez. Mais décalé. Forcément. Un morceau d’anthologie ponctué de fous rires hystériques, signé par un Charlie Dupont inspiré qui n’est pas prêt de rentrer dans les grâces de grumpy soup. Mais qui s’en moque totalement. Une intro qui dérouille et un prix qui suit la tendance, revenant à Florence Laforge pour Le Grand Soir. Look destroy. Anarchy in the Magritte.

 

Une petite musique qui débouche sur la victoire d’Alina Santos qui a signé les décors assez incroyables de Dead Man Talking, Nexus one point. Enfin…

 

 

 

Qui sera la meilleure actrice dans un second rôle? Hé bien ce sera madame la présidente d’honneur, Yolande Moreau pour Camille Redouble. Peut-être un avant-goût de César…

 

On aimerait en dire autant pour le court métrage Le Cri du Homard qui rafle la mise et qui sera aussi en lice le 22 février à Paris. Quant au documentaire récompensé, c’est Le thé et l’électricité de Jérome Lemaire. Nominé aux European film Awards, il s’impose sur ses terres. Le réalisateur en profite pour lancer un appel au roi… Du Maroc.

 

Le Magritte du meilleur réalisateur est l’occasion d’un numéro extraordinaire d’Abel et Gordon qui montent sur scène pour le remettre, entortillés l’un à l’autre. Enfin… on suppose… C’est aussi un des grands rendez-vous de la soirée.

 

 

Au bout d’un formidable suspense, c’est Joachim Lafosse qui est couronné. À Perdre la Raison fut un des films les plus compliqués à produire de l’histoire récente du cinéma belge. Joachim Lafosse, un de nos metteurs en scène les plus dérangeants et les plus talentueux semble assez troublé.

 

Sans surprise, le Magritte de la meilleure coproduction flamande est octroyé à notre parrain Nic Balthazar pour son formidable Tot Altijd, déjà titulaire de l’Ensor du meilleur film flamand.

 

 

Pour le Magritte de la meilleure actrice, le suspense était faible. Formidable dans A Perdre la Raison, Emilie Dequenne est récompensée par un Bouli Lanners très taquin, une Émilie adorable et légère. Juste comme on l’aime.

 

Restent trois trophées. Pour un acteur et deux longs métrages.

 

D’abord celui de la meilleure coproduction étrangère remis par un Patrick Timsit qui demande l’asile politique au gouvernement belge (pour une fois qu’il y en a un…) à L’Exercice de l’État cofinancé ici par Les Films du Fleuve des frères Dardenne. Un deuxiéme prix pour ce film qui a une opportunité d’arrondir son score avec le meilleur acteur où Olivier Gourmet a une réelle chance d’émerger.

 

 

C’est Helena Noguerra la demoiselle d’honneur des deux premières éditions qui le lui remet, car, oui, Olivier coiffe les trois pointures qu’il affrontait. Un prix mérité qui récompense une de ses plus formidables interprétations dans un de ses meilleurs films.

 

 

Reste l’apogée, le Magritte du meilleur film de l’année. Le trophée de toutes les envies, celui que quatre équipes guettent avec avidité et qui revient à Versus pour A Perdre la Raison. Un deuxième titre,pour la maison de production liégeoise après celui gagné avec Les Géants l’an dernier.

 

 

Ainsi se termine la 3e Cérémonie des Magritte, un peu plus longue que d’habitude, qui aura finalement couronné A Perdre la Raison et (mais oui) L’Exercice de l’État. Un palmarès équilibré qui n’a laissé personne sur le carreau.

 

 

Le palmarès est ici

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