Chaque année, en Belgique, on monte une vingtaine de films en production majoritaire. Environ sept ou huit en Flandre. Le reste dans la partie francophone du pays.
Par « films majoritaires », on entend un film dont l’essentiel du financement est assuré par la Belgique via une maison de production belge. Dans presque tous les cas, ces films reposent donc sur des montages structurels plus ou moins complexes avec des partenaires internationaux, souvent français, luxembourgeois, allemands ; ou hollandais pour les films en flamand.
Qu’un long métrage soit porté par une société belge sans aucun apport extérieur est une vraie rareté. Excitante.
Un risque ? Calculé ! Partir sur l’aventure d’un long métrage en solo implique naturellement de revoir ses budgets à la baisse, mais ouvre aussi de nouvelles perspectives et offre à l’équipe une liberté unique : pas de concessions territoriales au niveau du casting, de l’équipe technique ou des lieux de tournages; liberté artistique plus grande pour le réalisateur qui traite avec un seul producteur généralement convaincu par sa vision.
Bref, ce genre de projet, très rare chez nous, nous paraît excitant et nous étions donc très enthousiastes lundi chez Madame Moustache, sur le plateau de Tous les Chats sont gris (la nuit), premier long métrage de Savina Dellicour, produit en solo par Tarantula Belgique (Mobile Home), un des films les plus alléchants du moment. Car oui, a priori, cette entreprise a dans sa besace tous les atouts qui devraient en faire une œuvre différente, touchante et captivante.
L’histoire est assez simple, … mais moins qu’il n’y parait.
Dorothy est une ado un peu rebelle qui ne se sent pas vraiment à sa place dans sa famille BCBG. Persuadée qu’elle n’est pas la fille de l’homme qui l’élève, elle décide d’essayer d’en savoir plus. Un détective pourrait l’aider dans sa tâche… mais il est lui-même convaincu d’être le père biologique de la demoiselle. Situation cornélienne s’il en est qui n’est que le point de départ d’un chassé-croisé sur fond de secrets de famille dans un univers bourgeois où les apparences ont plus d’importance que la vérité.
Ce scénario, Savina Dellicour aura mis huit ans à le peaufiner avec Matthieu de Braconier. Huit ans pendant lesquels elle a notamment, avec ce texte, participé aux ateliers du Festival Premiers Plans à Angers sous la supervision de Jeanne Moreau, puis été lauréate en 2009 d’une session Emergence organisée par Elisabeth Depardieu. Avec Tarantula, elle a ensuite décroché à l’unanimité le soutien de la fédération Wallonie-Bruxelles. C’était en 2010, déjà. Parmi les lecteurs du dossier se trouvait une certaine… Anne Coesens, la merveilleuse interprète d’Illégal, Magritte de la meilleure actrice 2011.
Il aura encore fallu trois années supplémentaires pour que le profil de ce projet se précise : au bout du compte, ce sera donc un film 100% belge avec un casting qui l’est tout autant. La grande satisfaction étant qu’on retrouvera à l’affiche quelques-uns des meilleurs comédiens d’ici: Anne Coesens, mais également Bouli Lanners en tête d’affiche. L’homme est pourtant très demandé, mais ce rôle il ne voulait pas le laisser passer. Dans le film il sera flanqué d’un comparse, joué par Vincent Lecuyer (d’origine française, OK), ex-conducteur de taxi pour la RTBF. Lundi, on a aussi eu le plaisir de croiser sur le plateau Astrid Whettnall, venue pour un rôle secondaire. Petit budget, certes, mais casting quatre étoiles !
Pour le rôle-clé de la jeune ado, plus de 300 candidates ont été vues par la production. Certaines professionnelles et d’autres qui ne l’étaient pas du tout. C’est finalement Manon Capelle, une Uccloise de 17 ans qui a été retenue à l’issue d’une longue procédure de sélection orchestrée par Michael Bier, un spécialiste du genre. Elle a, depuis lors, participé aux nombreuses répétitions organisées par la réalisatrice et semble prête à affronter les caméras.
Débutante la réalisatrice belge qui signe ici son premier long métrage… ne l’est, elle, pas totalement. Diplômée en 98 de l’IAD où elle était entrée à 17 ans, elle a ensuite effectué un Master à la National Film and Television School au Royaume-Uni. Dans la foulée, elle a œuvré pour la télévision anglaise, réalisant en rafale de nombreux épisodes d’une série. Une formation « à la flamande » qui lui a donné l’habitude du travail en équipe, de la vitesse de réaction et un sens aigu de l’adaptation.
Sous l’œil avisé de ses producteurs, Joseph Rouschop patron de Tarantula (Mobile Home), mais aussi Valérie Bournonville et Thomas Meys, elle a mené lundi une première journée de tournage très décontractée, mais néanmoins efficace. Deux scènes très différentes au programme (dont une avec de nombreux figurants) et deux plateaux à gérer.
Au bout du compte, l’impression très positive qu’une belle aventure vient de commencer. On vous tiendra très régulièrement au courant, promis !