Comme chaque année, tous les Belges réunis sur la Croisette se sont donné rendez-vous à la grande fête du cinéma noir-jaune-rouge, prolongement naturel et festif des Magritte, où chacun se retrouve en territoire familier. Un territoire idéal pour croiser aussi des personnalités étrangères, intriguées par les réussites cannoises de nos cinéastes et de nos acteurs… ou par la réputation de fêtards invétérés de quelques-uns de nos compatriotes.
[Photos par Marilyne Laurin en direct de la soirée]
Mais cette édition 2013 avait une saveur toute particulière puisque l’Académie André Delvaux avait choisi d’y remettre le 1er Magritte du Premier Film.
La dénomination du prix est claire : point de « Magritte du meilleur premier film », mais un « Magritte du Premier film ». Il est désigné par les internautes : il s’agit donc bien d’un prix du public qui mesure la popularité d’un film. Et comme la popularité est la seule chose qui manque encore à nos productions, c’est une belle initiative.
Le scrutin a duré deux mois et demi et chacun pouvait choisir trois films qu’il plaçait sur un podium virtuel. Le site attribuait automatiquement 3, 2 et 1 point aux trois lauréats. Plus de 3000 personnes se sont exprimées et la rumeur qui bruisse veut que la lutte ait été particulièrement chaude, surtout sur la fin du mois d’avril.
Ce Magritte du Premier Film est revenu à Dead Man Talking de Patrick Ridremont,produit par Nexus Factory qui a emporté cette dernière statuette de l’année. C’est la franche confirmation que le public est très sensible à ce film déjà couronné à quatre reprises en festival par les spectateurs. Le succès est d’autant plus beau que ses dauphins sont Mobile Home et Torpedo, des œuvres populaires dans le sens le plus noble du terme; avec un supplément d’âme.
Dans le cadre de la cérémonie officielle, Dead Man Talking était arrivé en tête des nominations après le premier tour de scrutin clôturé le 31 décembre 2012. Pourtant, lorsqu’on remit les trophées, le 4 février au Mont des Arts, la fable noire de Patrick Ridremont n’obtint qu’une seule distinction : le Magritte du meilleur décor pour Alina Santos . Ce phénomène n’est pas spécifique à notre pays. Il n’est même pas rare : en France, rien que cette année, il a frappé Camille Redouble et (pire encore) Enter The Void, reparti bredouille. Aux États-Unis, la victime fut carrément Lincoln de Steven Spielberg.
Serge de Poucques, Sylvain Goldberg (producteurs) et Pauline Burlet
Mobile Home avait été récompensé pour sa musique et via Anne-Pascale Clairembourg élue révélation féminine de l’année. Torpedo n’avait rien obtenu, il n’avait d’ailleurs étrangement été nommé qu’une seule fois.
Même s’il s’en défend avec véhémence, on a senti que cette soirée avait été difficile à vivre pour Patrick Ridremont qui a néanmoins clamé depuis la première diffusion du film, lors d’un Cinevox Happening resté dans toutes les mémoires, que la satisfaction des spectateurs était son unique préoccupation, sa source de fierté. On le croit sans problème. C’est pour eux qu’il a écrit, réalisé et interprété Dead Man Talking.
Cela ne veut pourtant pas dire qu’il y a un fossé entre les goûts du public et ceux des professionnels. Loin de là. Dead Man Talking et Mobile Home avaient été plébiscités au premier tour des Magritte (décembre 2012), battus au deuxième par des films de réalisateurs réputés qui n’entraient pas en compétition ici. Ce Magritte du 1er film est donc plutôt une confirmation de la vitalité d’un cinéma qui a su proposer 12 premiers longs métrages en une seule année. Soit 63% des films globalement produits: c’est tout simplement exceptionnel.
Pauline Burlet et sa maman, Virginie
C’est Pauline Burlet qui a reçu le trophée à la grande joie de ses deux producteurs, ravis de récolter ainsi le soutien du public.
Puisse ce prix doper l’envie de Patrick de retourner derrière la caméra pour un deuxième long qu’on attend avec pas mal d’impatience. En espérant que, cette fois, il ne mettra pas quinze ans à en accoucher…
Quelques articles sur Dead Man Talking:
Dead Man Talking : un triomphe sinon rien
Magritte du cinéma : le premier tour