Les Magritte du Cinéma nous ont régalés.
Alors qu’on les pensait au sommet, sous la férule d’un Fabrizio Rongione souverain, les prix du cinéma belge nous ont à nouveau enthousiasmés en empruntant des chemins différents.
Car cette soirée qui est un petit résumé de l’année ciné vue d’ici, avec quelques paillettes, quelques notes de musique et beaucoup de bonne humeur est surtout un show. Et quel show.
Techniquement époustouflant, drôle, émouvant. Virtuose… et pourtant à visage humain.
Trois jours plus tard, c’est le moment d’un bon débrief parce que la cérémonie c’est un palmarès que nous avons déjà décortiqué, mais c’est bien plus que cela.
Cinevox a pointé sept grands vainqueurs de cette édition 2015.
Qui sont…
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Les Dardenne Brothers
Non seulement Jean-Pierre et Luc Dardenne ont été couronnés meilleurs réalisateurs de l’année, non seulement Deux Jours et une nuit a reçu le Magritte du meilleur film, non seulement Fabrizio Rongione, leur fils spirituel a décroché le Magritte du meilleur acteur, mais ces Magritte ont été, tout entiers, l’occasion de célébrer l’impact des frères sur le cinéma belge.
Magritte de la meilleure actrice? Émilie Dequenne, découverte grâce aux frères avec Rosetta aux côtés de… Fabrizio Rongione.
Magritte du meilleur acteur dans un second rôle? Jérémie Renier, découvert grâce aux frères dans La promesse, acteur vedette de L’Enfant, Palme d’or en 2005.
Magritte du meilleur film flamand, des meilleurs décors et des meilleurs costumes? Marina, coproduit… par les films du Fleuve, soit la société des frères Dardenne.
Bref, l’échec de L’enfant au vélo aux Magritte n’est plus qu’un lointain souvenir: comme dirait Charlie (cités deux fois par les frères sur scène) : Tout est pardonné !
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Charlie Dupont
Nous n’avons jamais douté une seule seconde du talent de Charlie Dupont, une des figures de proue de Cinevox depuis ses débuts. Mais succéder à Fabrizio Rongione? Gasp…
Après la folie surréaliste d’Helena Noguerra et la classe américaine de Fabrizio Rongione, Charlie a choisi la voie la plus logique : il a été… Charlie.
Humour décontracté du gland (© Bertrand Blier), taquine Bellegitude (©Freddy Tougaux), à la fois classieux et irrévérencieux, à l’aise comme s’il était dans sa salle de bains et pourtant d’une chirurgicale précision, proche de tous, réussissant à faire exploser de rire toutes les personnes qu’il vannait, Charlie Dupont a donné samedi une magistrale leçon de savoir-faire.
Son plus grand talent? Nous faire croire que tenir les rênes d’une telle cérémonie trois heures durant est la chose la plus facile du monde. Tu parles!
Sa parodie flamande de Steve Jobs restera dans les annales, son baiser goulu avec Tania Garbarski aussi, comme sa cravate écossaise, son « madame Milka », son apparition en Mireille Darc et quelques-unes de ses phrases destinées à lancer les remettants.
Cet homme infatigable et d’une intelligence largement au-dessus de la moyenne il faut l’avouer, a un ultime talent inné (et rare dans le métier): celui de mettre les autres en lumière.
Et pour les Magritte, c’est évidemment une aubaine.
Bis, bis, bis, hurle déjà Cinevox.
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Patrick Quinet
Il est coprésident de l’Académie André Delvaux et aussi président de l’UPFF, l’union des producteurs de films francophones. Ce n’est pas pour rien.
Il est un des hommes les plus puissants du cinéma belge depuis très longtemps. Et à ce titre il a pris récemment quelques claques violentes.
Cette année, il n’avait qu’un film parmi les nominés, Pas son genre, de Lucas Belvaux. Trois prix.
Ce n’est pas juste pour cela que nous le plaçons parmi les vainqueurs.
Dès son entrée en matière, le président de la soirée François Damiens l’a chaleureusement mis en évidence. Lucas Belvaux puis ses deux ingés son magrittés en ont fait autant.
Il ne s’agissait pas de simples remerciements, mais d’une sincère accolade virtuelle.
Qui a beaucoup ému Patrick comme on peut le voir sur les images télé.
Hommage mérité.
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Be TV
On le disait d’entrée : les Magritte ce n’est pas qu’un palmarès, c’est une cérémonie et une fête. Un spectacle dans le Gold Hall de Square, mais aussi à la télévision. Et depuis cette année sur le grand écran de l’UGC de Brouckère avec Cinevox.
Ce spectacle est juste exceptionnel.
Certains continuent à penser que les Magritte singent les César sans même s’apercevoir que, formellement, les Magritte ont fixé depuis leurs débuts un standard visuel éblouissant et d’un niveau assez inédit.
Plus que tout autre cérémonie, le look de celle-ci est immédiatement identifiable.
La captation télé est à l’avenant: sans raté, esthétique et élégante. Une vraie réussite. Comme l’on dit à raison plusieurs intervenants ces derniers jours: c’est le plus beau prime de l’année en termes d’images et de glamour. Pas de doute !
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La solidarité des artistes.
Avant la cérémonie, Catherine Salée a pu prendre la parole devant la salle bondée (lire ici) pour expliquer à tous, et plus particulièrement aux politiques présents ce que craignent les acteurs culturels belges.
Charlie Dupont a profité de sa désopilante apparition en Mireille Darc pour relayer le message que lui avait suggéré David Murgia vendredi (lire ici).
Partout, sur les revers des vestes, on découvrait le badge « Tout autre chose ».
Samedi, on a senti le monde du cinéma extrêmement solidaire.
Tant mieux, car quand on voit quelques réactions sur les réseaux sociaux, il est clair que le mécanisme kafkaïen du statut d’artiste n’a pas été très bien compris par de nombreux internautes.
L’importance de la culture non plus. Mais ça, c’est déjà un autre débat.
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L’émotion vraie
Fabrizio Rongione remerciant les frères, Patrick Quinet ému aux larmes, Ambre Grouwels incapable de parler, Pierre Richard touché et heureux comme un gamin sur la scène devant ses potes, Lucas Belvaux ravi de décrocher un deuxième Magritte, Marc Zinga si fier d’être honoré par ses pairs (et si classe)…
On a eu droit samedi à quelques bouffées d’émotion vraie, sincère, bouleversante.Des petits moments magiques.
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Le cinéma belge
Ne faisons pas la fine bouche: le palmarès de cette 5e édition des Magritte est formidable. De bout en bout.
Tous les lauréats élus par les membres de l’Académie sont des artistes ou des films qui ont de quoi nous emplir de fierté.
Et contrairement à ce qu’a rabâché notre grincheux national dans une ultime (on l’espère) parodie de ses interventions de 2011, 2012, 2013 et 2014 : non, les Magritte n’ont pas tout dit; non ils ne tournent pas en rond.
De nombreux comédiens bien en place n’ont toujours pas été récompensés et la nouvelle génération d’acteurs et de réalisateurs ne fait que commencer à nous faire rêver.
On a adoré tous les films primés ou nominés cette année et on attend avec impatience que le public découvre L’année prochaine de Vania Leturcq, Melody de Bernard Bellefroid et Tous les chats sont gris de Savina Dellicour.
Sans parler de ces films que nous n’avons pas encore vus, mais qui nous font saliver : Les Chevaliers Blancs de Joachim Lafosse, Bee Lucky de Philippe De Pierpont, Keeper de Guillaume Senez, Un homme à la mer de Géraldine Doignon, Préjudice d’Antoine Cuypers, Seule comme une baignoire de Rachel Lang, Je suis mort, mais j’ai des amis, des frères Malandrin, Le Tout nouveau Testament de Jaco van Dormael, Lost in Paris d’Abel et Gordon, Black d’Adil El Arbi et Billal Fallah, Belgica de Felix Van Groeningen, Les Premiers, les Derniers de Bouli Lanners et, plus tard, Les Survivants de Luc Jabon ou Dode Hoek de Nabil Ben Yadir …
Les Magritte du cinéma, on est prêts à en reprendre pour les cinq, dix, quinze années à venir. Et on attend déjà la prochaine édition avec une vraie impatience.
Surtout si c’est toujours Charlie Dupont qui est aux commandes…