Dans La Religieuse Pauline Etienne fait l’unanimité. Comment a-t-elle appréhendé son rôle et sa rencontre avec Guillaume Nicloux ? Confidences d’une jeune actrice belge en train de se faire une une place en or au cœur du cinéma francophone.
« Je n’avais vu aucun des films de Guillaume Nicloux lorsque je l’ai rencontré il y a deux ans. Je crois que c’est grâce à Brigitte Moidon qui m’avait vue dans le film de Joachim Lafosse, Élève Libre et lui avait parlé de moi.
On s’est parlé, et les choses se sont faites simplement. Pour rentrer dans le rôle il m’a d’abord fallu travailler la partie musique, le chant et l’épinette. J’ai fait quatre ans de piano mais je ne sais pas lire la musique. J’ai appris à chanter pendant quatre mois avec un professeur, un morceau de Bach et un morceau composé spécialement pour le film par Max Richter. Dans le livre de Diderot, Suzanne Simonin est décrite comme ayant une voix magnifique, or j’étais tellement angoissée avec ces vraies chanteuses autour de moi, que j’ai été en-dessous de ce que j’aurais voulu donner. Si j’avais travaillé plus, j’aurais pu dépasser le stade de la peur. J’ai ce type d’appréhensions quand ce que l’on me demande n’est pas dans mes cordes, il a fallu qu’on me rassure… Et Guillaume Nicloux voulait que ce soit enregistré en direct, dans l’église où le son était magnifique…
Sinon j’ai fait des recherches, j’ai essayé de comprendre cette vocation, les mœurs de ces ordres, comment on rentrait dans un couvent, les étapes nécessaires pour devenir religieuse, les cérémonies. Je suis même allée dans un couvent, pour voir, mais je n’ai pas tenu plus de quarante-huit heures, je me suis vite échappée. Deux jours où j’ai participé aux prières. Ce n’était pas possible d’y être en contact avec les religieuses parce qu’elles sont recluses, séparées des visiteuses.
Je suis dans le ressenti du personnage plus que dans la réflexion. La religion c’est très loin de moi, je ne suis pas croyante. J’ai été touchée par la foi de Suzanne. Malgré son amour pour Dieu, elle sent que la vie monacale n’est pas faite pour elle. Et elle va tout faire pour y échapper ! Elle ne vit jamais les épreuves en victime. Elle garde une fierté et une dignité qui m’ont impressionnée. Suzanne m’a beaucoup appris.
Il y a beaucoup de scènes où j’ai l’impression de ne pas avoir joué. Guillaume est un vrai directeur d’acteurs. Personne ne m’a jamais accompagnée comme lui… Sauf Joachim Lafosse. J’étais fébrile avant le tournage parce que je me rendais compte de l’ampleur du rôle. Le premier jour je n’ai rien pu sortir. Il a fallu que Guillaume mette les pendules à l’heure, bouscule mon côté fainéant. Après je suis entrée dans le personnage. Je me suis même laissée avoir par elle, trop. Il y a des scènes très dures qui me restent, celles du cachot par exemple. Elles ont été pénibles à subir, autant émotionnellement que physiquement. Je suis sortie très marquée de ce film, j’ai eu du mal à me défaire du personnage. Je me suis laissé embarquer.
Ce film m’a émue.Les autres comédiennes ont été importantes pour moi. Alice de Lencquesaing, par exemple, m’a dit qu’elle concevait que son rôle c’était de me porter, de m’accompagner au mieux, et qu’il ne fallait pas que j’hésite à lui demander ce qui pouvait m’aider. Je crois que cette amitié se voit à l’écran. Elle a pris vraiment son personnage à cœur. Françoise Lebrun est toute douceur et générosité, elle ne juge pas, elle est présente, elle est là pour toi. »