Dans l’imaginaire collectif, le cinéma c’est d’abord (et surtout) un tournage. Au début, il y a une histoire et des acteurs, mais aussi un metteur en scène et un chef opérateur qui définissent des options, une série de techniciens qui s’occupent de la lumière ou des décors, un cadreur qui filme. Et l’image d’apparaître…
Mais de cette image originale à l’image qui sera projetée sur grand écran, il y a souvent une marge impressionnante. Car le voyage du film, loin d’être achevé, est encore long et tortueux.
Après les prises de vue, un laboratoire développe la pellicule ou un serveur stocke les rushes numériques si le réalisateur ou la production ont choisi cette option, de plus en plus souvent privilégiée. Pour mieux appréhender l’intégralité du voyage et l’importance de la phase de postproduction, nous utiliserons l’exemple de la pellicule « classique », car c’est cette filière qui est la plus longue et donc la plus intéressante à décrire.
Une fois que la pellicule est développée, elle est copiée via un télécinéma classique en format numérique SD (basse définition). C’est sur ce support que travaille le monteur image. Il choisit les plans qui figureront dans le montage final, les coupe (virtuellement) à la longueur adéquate, les agence, les imbrique et petit à petit construit l’enchaînement des séquences que le spectateur verra.
Une fois que son travail est accepté, le film est-il terminé? Oh non, bien loin de là. La postproduction débute et donnera aux images leur look définitif: scan, dustbusting, conformation, étalonnage et effets spéciaux numériques sont les cinq étapes essentielles de cet ultime exercice, complétées par l’élaboration du générique. Des mots barbares, mais des phases capitales.
On scanne et on nettoie
Quand le montage est virtuellement effectué, les bobines argentiques originales sont expédiées chez un spécialiste de la postproduction comme Dame Blanche Genval. Il s’agit à l’origine d’un studio son qui a récemment ouvert un département de haut vol dans le domaine de l’image. En Belgique francophone, ces tâches peuvent aussi être accomplies, en partie tout au moins, par de grosses sociétés comme Le Studio L’Equipe à Bruxelles (pas d’effets spéciaux)ou WFX à Liège (pas de scan)
A Genval, Paul Englebert (photo ci-dessus), responsable de cette section, réceptionne donc ces précieux trésors. Il faut savoir qu’à ce stade, dans le cadre d’une production classique belge ou belgo-française, il n’existe aucune copie haute définition des rushes. S’ils sont endommagés ou perdus, c’est la catastrophe absolue. Et irrémédiable.
La première étape de la postproduction numérique consiste à digitaliser les images argentiques. Pour ce faire, les bobines sont chargées dans un scanner piloté par un ordinateur. Les codes fournis par le monteur indiquent à la machine quels extraits des rushes sont à numériser. Pas question de faire le travail pour l’ensemble des bobines. D’abord, ce serait inutile. Ensuite ce serait vraiment très très très long et donc, forcément, très très cher.
Une fois le scan achevé, l’opérateur se livre à un dustbust qui consiste à nettoyer les images parasitées par un défaut, une griffe (rarement) et plus souvent une minuscule poussière. Minuscule, mais irritante. Les scènes choisies, totalement cleans, se recomposent alors automatiquement sur une ligne du temps virtuelle définie par le monteur. C’est la phase de conformation. Le film dans sa forme idéale et propre est stocké sur un second support.
Et alors là, c’est terminé? Non, toujours pas.
On étalonne
Entre en piste l’étalonneur. L’étalonnage est la phase qui comprend tout le traitement numérique des images hors les effets spéciaux. Le boulot de cet opérateur très patient consiste à « équilibrer » les images entre elles, leurs couleurs, leur luminosité, ou à effectuer des actions artistiques (inclure une dominante par exemple, réaliser une nuit américaine, etc.). Pour cette phase, le chef opérateur et le metteur en scène peuvent épauler l’étalonneur. Ou pas… Il faut environ 3 semaines de travail pour étalonner un long métrage de 1h30.
Parallèlement à cette phase, d’autres opérateurs mettent au point les effets spéciaux et trucages numériques nécessaires qui seront ajoutés en surcouche à la timeline finale. C’est aussi à ce moment que sont conçus les génériques d’ouverture et de clôture qui seront inclus une fois l’étalonnage terminé.
On reporte et on rapporte
Si le long métrage est projeté en format numérique, il suffit de recopier les données (1.5To pour les spécialistes) sur un disque dur portable et le tour est joué. Aujourd’hui, en Belgique, les projections numériques représentent 82% de l’audience globale des cinémas. La plupart du temps, les distributeurs exploitent néanmoins aussi l’œuvre dans une version argentique. Il faut alors reporter le montage numérique sur pellicule. Estimant qu’elle était vouée à disparaître à moyen terme, Genval les Dames n’a pas investi dans cette option. C’est donc une société extérieure, comme Filmik à Bruxelles, qui effectue ce travail. Disques durs et pellicules repartent ensuite chez le producteur. Et le tour est joué.
Quelques semaines plus tard, le film sera enfin projeté dans les salles. Et rares sont les spectateurs qui comprendront le chemin parcouru par ces images… Vous êtes maintenant à ranger au rayon des initiés.
Le Labo images de Genval vient d’hériter d’un tout nouveau website que vous pouvez découvrir ICI