Découvert au festival du film francophone de Namur, Tokyo Anyway sort en salles ce mercredi 1er octobre.
Tokyo Anyway n’est pas un film classique, c’est une expérience collective, un exercice de style mené par un réalisateur aventurier qui a co-écrit non un scénario, mais un canevas pour une bande de comédiens trentenaires qui le fascinait. À l’intérieur de ces cadres plus ou moins définis, les scènes que l’on voit dans le film ont été plus ou moins improvisées.
Les points de vue ici sont multiples, axés sur quatre jeunes adultes qui malgré leur âge identique sont à des stades différents de leur vie : l’un est mannequin et sa carrière est sur le point de décoller… à Tokyo, sa copine est dans une autre énergie : elle a envie de construire un couple et un foyer, mais sent bien que son rêve lui échappe. Le troisième personnage, fonctionnaire à la commission européenne, voit ses rêves de changements positifs brisés menus par des lobbyistes carnassiers ; le quatrième, en rupture avec sa famille, découvre que son père vient de mourir en lui léguant une fortune.
Les questions que pose le réalisateur sont variées : comment vivre à trente ans dans une société aussi formatée ? Comment réussir à mener une vie de couple ? Et, plus prosaïquement, comment communiquer quand chacun se retrouve dans son propre univers en perpétuel décalage de ses proches ?
Filmé sans budget, mais avec une énergie folle, Tokyo Anyway est lui aussi (décidément) un film générationnel. Comme Mobile Home de François Pirot, il s’adresse à ces trentenaires qui ont le choix entre un moule qui ne leur correspond pas et un vide où tout reste à inventer. Cela dit, la comparaison entre les deux oeuvres s’arrête là, car leur forme est totalement différente.
Ici, le réalisateur cherche avant tout l’étincelle à grands coups d’expérimentation, il privilégie l’énergie, les instants de vérité sans se soucier d’épouser une narration et une grammaire classiques. Haché, parfois tortueux, son film adopte une forme de spirale où on suit chaque personnage avant de les retrouver tous ensemble pour un face à face final où chacun devrait enfin pouvoir affronter le regard de l’autre… Mais le message est clair : le moment où tous se confrontent ne peut donner lieu qu’à une communication biaisée, incomplète. Et à beaucoup d’incompréhension. Les univers de ces jeunes adultes sont tellement différents qu’il n’y a plus entre eux de passerelles évidentes pour les rapprocher.
Du coup, quand on ne trouve plus les mots, on fuit : c’est donc sur une scène sauvage, apothéose logique et triste que se referme presque ce film atypique qui a visiblement captivé un public composé essentiellement de cinéphiles attentifs, assez jeunes et très enthousiastes.
Tokyo Anyay n’a pas encore de distributeur, mais il est plutôt griffé « film de festivals ». On l’imagine bien traverser le monde dans des manifestations plus ou moins underground où on recherche des formes nouvelles d’expression cinématographique, peu conventionnelles, libres.
Au-delà de la démarche courageuse et intransigeante du réalisateur on notera la prestation impressionnante des comédiens parmi lesquels en toute subjectivité on épinglera Benjamin Ramon évoquant assez étonnamment le Brad Pitt de Fight Club. Ce qui n’enlève rien aux prestations de Violette Pallaro, Emilie Maréchal, AntojO, Sophie Maillard, tous d’incontestables révélations sur le grand écran.
Et on terminera en soulignant la bande originale du film composée en deux semaines par un duo électro dont on devrait entendre reparler très vite, R.I.P. Bonaparte.