Accompagner une vieille dame durant son dernier été, c’est ce que décide un trio atypique, deux femmes et un homme qui ne sont même pas de vieux amis. Au départ, une opportunité, une envie, l’impression de ne rien avoir de mieux à faire… puis l’occasion d’envisager sa propre vie sous un angle tout nouveau.
Sous Le Figuier a mis très longtemps à nous parvenir, mais l’époque n’est pas si mauvaise : le retour du soleil, besoin de flâner à nouveau. Depuis des mois, le film tourne néanmoins dans les festivals : le FIFF, Moustier, Cabourg… et bien d’autres. Entre sourires et silences émus, les publics réagissent à chaque fois fort bien aux nuances de cette comédie dramatique finalement beaucoup plus drôle que triste, où sur un sujet grave et capital (la mort), la réalisatrice Anne-Marie Étienne a su tisser une toile légère qui donne le goût de vivre. Aux trois protagonistes du récit, mais aussi au spectateur qui en sort gonflé à bloc.
L’histoire de Sous le Figuier tourne autour de Selma, une nonagénaire sympathique qui s’apprête à passer son ultime été. Elle est condamnée par la médecine et refuse de prolonger le suspense. Trois adultes plus jeunes, secouées par les aléas de la vie, aléas professionnels, sentimentaux et familiaux, vont l’accompagner dans son dernier voyage, lui offrant un cocon familial, des rires d’enfants et un endroit idyllique perdu au milieu des vignes. L’occasion pour l’excellent Philippe Guilbert de cadrer quelques paysages étonnants. La photographie de ce long métrage est d’ailleurs un de ses gros points forts.
Sur ce canevas qui peut paraître déprimant, Anne-Marie Étienne a écrit un film tonique construit en deux temps : on découvre d’abord les personnages dans leur biotope angoissant, puis on plonge dans le calme d’une belle propriété où en vase clos, le groupe apprendra à se connaître, où chacun trouvera enfin sa place dans l’existence.
La vieille dame qui s’éloigne sur la pointe des pieds utilisera ses derniers instants pour remettre ses trois amis sur les rails. Pas de lourdes tirades moralistes ici, mais des remarques piquantes ou des petites interventions mutines (le coup du GSM dérobé) qui au fil de ces quelques jours hors du monde va recadrer les idées de chacun(e).
En évoquant la mort, Anne-Marie Étienne parle surtout de la vie. Son film n’est jamais auteuriste ou contemplatif. Il est léger et pétillant. Idéal pour une sortie en famille ou un prime time télévisé. Ce qui n’est finalement pas (plus) si courant.
On a salué la fort jolie photographie, mais l’autre point très fort de l’oeuvre est l’interprétation collégiale de quatre comédiens tous au top: Gisèle Casadesus, belle et exquise, presque timide, toujours drôle est une mamie idyllique, Marie Krémer, la plus jeune de la bande est la stressée de service, incapable d’avoir une vision cohérence de son existence, constamment le nez dans le guidon. C’est celle qui en 1h30 va parcourir le plus long chemin vers une certaine forme d’apaisement. Anne Consigny n’accepte plus d’être chahutée : « je n’ai pas peur de vivre, mais je ne veux plus souffrir », dit-elle. Au milieu de ce délicieux trio féminin, Jonathan Zaccaï trouve immédiatement sa place et sa petite musique. C’est le papa gâteau, bordélique et désordonné, terrorisé par l’idée même de la mort. Des quatre, c’est celui qui a la partition la moins spectaculaire, mais on sait depuis Elève Libre et Quartier lointain qu’il excelle dans ce genre de personnage en retrait grâce à une présence, un charisme, hors norme.
Toujours à l’affiche en France, Sous le Figuier flirte avec les 200.000 entrées. La presse qui a salué sa sortie a été très contrastée, avec des effets de manche pour le moins contradictoires : » la cinéaste renonce calmement à toutes les tentations du pathos » explique Noémie Luciani dans Le Monde. » « Sous le figuier » ne recule ni devant le pathos ni devant le chantage aux sentiments. », lui répond Olivier De Bruyne dans Positif.
Sourire…
Comme quoi la subjectivité de la critique n’est pas un vain mot.
Pour notre part, nous penchons largement pour la première hypothèse: le film est sobre, doux et tendre et s’il parle de la mort ( un peu comme Tot Altijd de Nic Balthazar), il donne surtout terriblement envie de vivre…